Ancien joueur indépendant et toujours entraîneur au club de la Noizbait, à 78 ans, Edouard Detchart est un fidèle spectateur, notamment au trinquet Berria d’Hasparren, d’où il est originaire. Il nous en raconte plus sur sa carrière et sur l’évolution de la main nue.
Quelle part a pris la pelote dans votre vie ?
Edouard Detchart : C’est une partie assez importante de ma vie. J’ai joué depuis l’âge de 5-6 ans. D’abord à l’école, bien sûr. Après, j’ai fini indépendant. Il fallait jongler avec les entraînements, les parties. Il fallait que madame soit consentante mais ici on est du milieu de la pelote. Mon épouse étant d’Hasparren je n’avais pas trop de problème et heureusement. À notre époque on jouait beaucoup en place libre, tous les dimanches et même pendant la semaine. J’ai arrêté à 41 ans parce que j’avais pris un commerce et ce n’était pas évident de faire en parallèle les entraînements pour la pelote. J’ai continué à jouer pour m’amuser et j’ai toujours été éducateur au club de la Noizbait.
Quel souvenir gardez-vous de votre carrière de pilotari ?
E.D : J’en garde un très bon souvenir puisque je continue de m’occuper des enfants. Ça m’a plu, ça m’a apporté beaucoup de contacts, d’amitiés. En plus, c’est un sport assez populaire ici au Pays Basque. Quand on a commencé, à Hasparren, il n’y avait que la pelote. Il y avait un petit peu de football mais le rugby n’existait pas jusqu’en 1958. Cela a démarré beaucoup plus tard qu’à Cambo ou Saint-Jean-Pied-de-Port par exemple. À Hasparren, tout le monde jouait à la pelote. À l’école, au quartier Celhay, la récréation se passait au fronton. On jouait tous les jours. Au collège d’Hasparren, dans la cours de récréation, on avait deux frontons et un mur à gauche. On se régalait.
Pendant ma carrière, j’ai eu la chance d’être sélectionné aux championnats du monde, en 1966, à Montevidéo, j’avais 25 ans. Un voyage en avion à Montevidéo c’était quelque chose. À cette époque-là, pour les parties par équipes il n’y avait que deux joueurs, il n’y avait pas de remplaçant.
Comment jugez-vous l’évolution de la pelote depuis votre époque ?
E.D : Chaque époque a ses champions automatiquement. Maintenant, ils ont des protections donc ils peuvent jouer et s’entraîner plus souvent grâce à ces pansements. Ils savent se préparer physiquement, il y a des salles de sport. Après les parties, ils ont des kinés qui les aident. Pour jouer à haut niveau, il faut se préparer physiquement et mentalement. Plus qu’avant. Aujourd’hui, ils ont des moyens physiques énormes. Cela fait que la pelote va beaucoup plus vite, plus loin et il y a peut-être moins de jeu qu’avant. Cela se passe plus derrière que devant. La pelote a beaucoup évolué.
L’Elite pro a aussi la chance d’avoir Esku Pilota. À mon époque, on ne l’avait pas. Quand j’ai commencé, il n’y avait que cinq ou six trinquets qui tournaient bien. Au fur et à mesure, ils ont tous arrêté. Si à cette époque, il n’y avait pas eu Esku Pilota, je ne sais pas où auraient joué les joueurs de main nue. Avec Esku Pilota, ils sont tranquilles, on leur apporte les pelotes, ils ont un cachet fixe. Nous, c’était en fonction des entrées. S’il y avait 100 entrées c’était pas mal, s’il y en avait 200, c’était mieux. Ils ont eu une chance énorme, ils peuvent être contents.
Vous êtes natif du quartier Celhay d’Hasparren. Vous avez connu l’ancien trinquet Berria. Que pensez-vous de sa rénovation ?
E.D : J’ai joué bien des fois au trinquet, mais à l’époque il n’y avait pas la paroi de verre. La pelote prend un autre effet avec cette paroi. Mais pour le public c’est beaucoup mieux. Ils ont gardé le côté traditionnel du trinquet à gauche, ce qui fait son charme, plus que le trinquet de Bayonne par exemple. Quand on rentre ici, c’est un musée. Tout le côté gauche est d’origine. Monsieur Charritton a fait un travail extraordinaire. Je n’y croyais pas.
Vous êtes entraîneur au club de la Noizbait. Qu’est-ce qui vous motive à former les jeunes ?
E.D : J’ai été éducateur des deux frères Larralde, je les ai connus dès l’âge de six ans. Je sais comment ils ont démarré. Quand on voit comment ils continuent, ça fait plaisir à voir. C’est pour cela que je m’occupe des enfants. Tous les mercredis après-midis, je les entraîne au trinquet. C’est du bénévolat. Je me rappelle encore des premiers éducateurs que j’ai eus. Au collège, tous les mardis et tous les jeudis après-midis, l’Abbé Elissalde nous amenait dans un petit trinquet à Hasparren. J’ai commencé à joué là. Après, au sein de la Noizbait, on avait monsieur Fontan. Si au départ vous n’avez pas d’éducateurs qui sont disponibles comme ça, vous n’allez pas jouer. Cela fait plaisir de voir jouer les gamins et ensuite comme Peio Larralde, de voir un joueur de la société devenir un des meilleurs Elite pro. On est fiers. Il y en a eu plusieurs. Xala aussi est sorti d’Hasparren.
Quelle est votre méthode d’apprentissage ?
E.D : On leur apprend les gestes, on les fait jouer progressivement pour les initier, comment buter, comment se placer, jouer en équipe. Il faut leur apprendre cela. Même si ce n’est pas un sport collectif, que c’est plus individuel à la base, quand on joue à deux c’est tout de même un sport collectif. Tant que je pourrais, je vais continuer à entraîner les jeunes.
Comment voyez-vous l’avenir de la main nue ?
E.D : Tant qu’il y a Esku Pilota, j’ai confiance. Il faut qu’il y ait une bonne entente aussi avec la Fédération française de pelote basque et le Comité territorial Pays Basque de pelote basque. On voit d’autres spécialités qui ont chuté, le joko garbi, le grand gant… Avant, pendant les fêtes, vous aviez des parties de joko garbi, il y avait des indépendants. Quand il y a une organisation comme Esku Pilota, il y a moins de danger. J’espère que cela va continuer. On parle de faire un centre d’entraînement pour la main nue à Hasparren. Il le faudrait pour garder les jeunes.